Connaissez-​vous le tchoukoudou ?

Pierre, béné­vole de longue date à Ocivélo et espé­ran­tiste, nous par­tage aujourd’hui un peu de savoir sur les pra­tiques du vélo au Congo. Le tchou­kou­dou est d’ailleurs plutôt une drai­sienne, puisqu’il n’y a pas de pédale… mais quel engin !

Photo de l'auteurice
Photo de l’auteurice

Ce repor­tage est tra­duit de l’espéranto et écrit par Natacha HAKIZUMWAMI, habi­tante de Goma.

Contexte

Situez-​vous la ville de Goma ? Elle se trouve à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), à côté du Rwanda.

Carte du RDC

Malheureusement, cette région est frap­pée depuis de nom­breuses années par une sorte de guerre civile : Actuellement, c’est la Milice M23, sans doute com­man­dée en sous-​main par le dic­ta­teur du Rouanda, le pré­sident Paul Kagame, qui pille, viole et ravage le sec­teur. Trop de richesses minières, en par­ti­cu­lier le Coltan, indis­pen­sable aux télé­phones por­tables ! Cela attire toutes les convoi­tises. Depuis le géno­cide 1994 au Rouanda, cette région n’a jamais connu la Paix.

Malgré tout, les habi­tants montrent une force de vie admi­rable et s’efforcent de sur­vivre en déve­lop­pant de nom­breux moyens. L’un de ceux-​ci est le Tchoukoudou ! Pour en savoir plus, il fau­drait visi­ter la ville de Goma, au pied de son volcan, le fameux Nyragongo et son cra­tère de lave liquide, explo­rée autre­fois par le célèbre Haroun Tazieff. Il est tou­jours dan­ge­reu­se­ment actif !

Le tchoukoudou

Le Tchoukoudou est une bicy­clette en bois, construite tra­di­tion­nel­le­ment dans cette région par des arti­sans ingé­nieux. Le Tchoukoudou n’est pas qu’une bicy­clette, il est un sym­bole de la ville avec ses usages pra­tiques et ses défauts.

Statue doré d'un homme poussant la terre sur un Tchoukoudou.
Source : https://​des​keco​.com/​i​n​d​e​x​.​p​h​p​/​2​0​2​1​/​0​3​/​0​5​/​r​d​c​-​9​1​-​j​e​u​n​e​s​-​e​n​t​r​e​p​r​e​n​e​u​r​s​-​d​e​-​g​o​m​a​-​r​e​c​o​i​v​e​n​t​-​l​e​s​-​s​u​b​v​e​n​t​i​o​n​s​-​d​u​-​p​a​d​m​p​m​e​-​p​o​u​r​-​a​c​c​r​o​i​t​r​e​-​l​eurs

En plein centre de la ville, une grande statue de Tchoukoudou trône, sym­bo­li­sant la pro­vince du Nord-​Kivu Cette place porte le nom de Rond-​Point Tchoukoudou, véri­table fierté des habitants.

Et pour­quoi donc cette bicy­clette symbolise-​t-​elle le Nord-​Kivu ? Au lieu d’utiliser un car­bu­rant, elle fonc­tionne grâce à la force humaine : c’est l’homme qui dépense son éner­gie pour la faire avan­cer, trans­por­ter de lourdes mar­chan­dises. En fait, la ville de Goma s’est construite à la sueur de l’homme. C’est cette bicy­clette tra­di­tion­nelle qui a permis le déve­lop­pe­ment de la ville – et encore main­te­nant. C’est pour cela qu’on les voit dans toute la Province et jusque sur les routes prin­ci­pales. Et ce malgré le manque de sécu­rité : pas de cli­gno­tants, ni de freins ! Et pas non plus d’assurance. Comme elle a été la cause de beau­coup d’accidents, les auto­ri­tés ont décidé de l’interdire au centre-ville.

En fait, les tchou­kou­dous se trouvent dans toute la pro­vince du Nord-​Kivu et quelques vil­lages du Sud-​Kivu, mais sur­tout dans les ter­ri­toires agri­coles du Rutshuru, Nyiragongo et Masisi. On ne les ren­contre ni au Rouanda, ni au Burundi, ni en Ouganda. Ils sont « made in Nord-Kivu » !

A l’inverse des bicy­clettes qui servent à gagner du temps et pour les loi­sirs, les bicy­clettes en bois sont uti­li­sées pour trans­por­ter de lourdes charges. Il faut par­fois plu­sieurs per­sonnes pour pous­ser une seule bicy­clette en bois. Ce sont sou­vent les vil­la­geois qui s’en servent pour appro­vi­sion­ner les grandes villes, légumes, hari­cots, etc. Un autre usage est de les louer pour dif­fé­rents travaux.

Un soldat indien de la force de stabilité de l'ONU Monusco basée à Sake effectue une patrouille de rue. On peut voir les hommes à l'arrière pousser un Tchoukoudou.
Un soldat indien de la force de sta­bi­lité de l’ONU Monusco basée à Sake effec­tue une patrouille de rue. On peut voir les hommes à l’ar­rière pous­ser un Tchoukoudou. – Photo : Andreas Herzau /​DER SPIEGEL – Source : https://​www​.spie​gel​.de/​f​o​t​o​s​t​r​e​c​k​e​/​p​h​o​t​o​-​g​a​l​l​e​r​y​-​n​o​-​r​e​l​i​e​f​-​f​o​r​-​g​e​r​m​a​n​-​r​o​a​d​-​f​o​t​o​s​t​r​e​c​k​e​-​1​2​4​7​1​6​.​html

Comment sont-​elles fabriquées ?

Presque tous les vil­la­geois sont capables de les fabri­quer : il faut un arbre au bois résis­tant, qui dure au moins trois ans (NDLR dans ce climat équa­to­rial) Mais seuls quelques arti­sans fabriquent les meilleures bicy­clettes dont les prix varient de 50$ à 100$ ! On y ajoute divers élé­ments, on doit évi­dem­ment lubri­fier les axes de roues, ren­for­cer cer­taines par­ties : tout un art ! Le fait d’être en bois consti­tue leur fai­blesse, il y a eu sou­vent des rup­tures subites, cau­sant de graves accidents.

Deux enfants poussant un Tchoukou chargé de poutre en bois.
Photo : Youssef Shoufan – Source : https://​www​.flickr​.com/​p​h​o​t​o​s​/​m​y​s​t​e​r​y​o​u​s​s​e​f​/​9​3​1​2​9​0​6​856/

Une utilité sociale

Un jeune vil­la­geois qui pos­sède un tel engin sait qu’il peut se marier, car il a le moyen d’entretenir une famille. Ce genre de bicy­clette rem­plit de nom­breuses fonc­tions : faire le taxi, des trans­ports pour des clients, trans­por­ter toutes sortes de mar­chan­dises ainsi que des gens de sa famille, pour aller aux champs.

Un homme posant avec son Tchoukoudou peint en bleu avec des motifs jaune.
Source : https://​www​.lex​press​.fr/​s​t​y​l​e​s​/​l​e​-​t​s​h​u​k​u​d​u​-​l​a​-​t​r​o​t​t​i​n​e​t​t​e​-​c​o​n​g​o​l​a​i​s​e​-​q​u​i​-​p​e​u​t​-​t​o​u​t​_​1​5​5​6​4​5​0​.​html

Capacités

« Cent cin­quante tiges de canne à sucre, 300 kilos de pommes de terre, une tren­taine de bali­veaux d’eu­ca­lyp­tus ou huit gros sacs de char­bon à livrer ? Sans doute habitez-​vous Goma, dans l’Est de la République démo­cra­tique du Congo, et heu­reu­se­ment pour vous, il y a le tchoukoudou.

Long de deux mètres, le tshu­kudu (pro­non­cer : tchou­kou­dou) est doté d’un haut et large guidon. Compte tenu des charges qu’il trans­porte, habi­le­ment équi­li­brées sur la trot­ti­nette, le tchou­kou­deur (conduc­teur de tchou­kou­dou) pousse son engin plus sou­vent qu’il ne patine.

La ville compte 1.500 tchou­kou­deurs, selon leur syn­di­cat pro­fes­sion­nel. Pour des cen­taines d’entre eux, qui vivent alen­tours, la jour­née com­mence par le trans­port des pro­duits agri­coles culti­vés dans les mon­tagnes ver­doyantes au nord de l’ag­glo­mé­ra­tion et qui ali­mentent ses marchés. »

Source : L’Express

Un Tshukudu transportant des produits agricoles frais arrive à un point de contrôle militaire à Goma, la capitale de la province du Nord Kivu.
Un Tshukudu trans­por­tant des pro­duits agri­coles frais arrive à un point de contrôle mili­taire à Goma, la capi­tale de la pro­vince du Nord Kivu. – Photo : Monusco Photo – Source : https://​www​.flickr​.com/​p​h​o​t​o​s​/​m​o​n​u​s​c​o​/​1​1​1​1​5​6​5​7​3​9​3​/​i​n​/​p​h​o​t​o​s​t​r​eam/
Rond point Tcukudu Goma : Vue de près
Rond point Tcukudu Goma – Photo : VALENTIN NVJ – Sources : https://​fr​.wiki​pe​dia​.org/​w​i​k​i​/​T​s​h​u​kudu